Comment vous libérer de vos mauvaises habitudes

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Vous savez que ce n’est pas bon pour vous.  Alors pourquoi continuez-vous à le faire ?

Je parle de vous goinfrer de sucreries ou de fromage alors que vous voulez perdre du poids ;

De travailler jusque tard le soir alors que vous voulez être plus présent-e pour vos enfants ;

De sortir avec ce type d’hommes ou de femmes alors qu’à chaque fois ça finit mal ;

De passer du temps sur les réseaux sociaux ou les sites de news alors que ça vous déprime ;

De consommer cette substance alors que vous savez qu’elle est mauvaise pour votre santé ;

Vous le faites parce que c’est trop dur d’arrêter ? Parce qu’au fond vous adorez ça ? Parce que ça fait partie de vous ?

Non.

Si vous le faites, c’est parce que vous êtes tombé-e dans un piège.

Au début, ce comportement avait sans doute une utilité pour vous. Puis il a été répété, encore et encore, a fini par modeler votre cerveau pour devenir une habitude. Une habitude qui non seulement ne vous est plus utile, mais vous nuit.

Ce phénomène découle de vos mécanismes d’apprentissage et de votre neuroplasticité. Lorsque vous faites quelque chose régulièrement, les réseaux de neurones impliqués se développent.

De chemins de terre, ils deviennent routes, et parfois ornières mentales.

Mais heureusement la neuroplasticité marche dans les deux sens.

Et il existe une pratique qui a de grands effets sur elle :  la méditation de pleine conscience.

Dans cet article, je vais vous dire comment la méditation de pleine conscience peut vous aider à vous libérer de vos mauvaises habitudes, même si vous avez échoué à le faire auparavant.

Oui, vous avez bien lu.

Mais avant d’aborder ce point, je dois d’abord vous expliquer comment les mauvaises habitudes s’installent.

 

Le mécanisme d’apprentissage basé sur la récompense

Avant de commencer, vous devez intégrer une chose : la ou les mauvaise(s) habitude(s) dont vous voulez vous débarrassez vous sont personnelles, bien sûr.

Mais le mécanisme qui a permis qu’elles s’ancrent en vous est universel. On l’appelle le mécanisme d’apprentissage basé sur la récompense.

Voici, schématiquement, comment il fonctionne chez nous comme chez de nombreux animaux.

Nous avons faim. Nous voyons un aliment qui paraît bon. 

Notre cerveau pense « Calories ! ...Survie ! »

Nous mangeons l’aliment. Grâce au sucre qu’il contient, nous nous sentons mieux. Notre corps envoie alors à notre cerveau un signal qui grosso modo veut dire :

« Rappelle-toi bien ce que tu viens de manger »

Notre cerveau stocke cette information et nous avons désormais appris que quand nous voyons cet aliment et que nous en mangeons, nous nous sentons bien. Alors nous recommençons, encore et encore.

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Logique, n’est-ce pas ?

Oui.  Sauf que nous n’en restons pas là parce que nous ne sommes pas des animaux comme les autres…

Notre cerveau peut faire bien plus que simplement se rappeler où est la nourriture.

Il peut faire des suggestions aussi. Et là il nous souffle dans le creux de l’oreille :

« Dis donc… Si tu te sens mieux quand tu manges cet aliment… La prochaine fois que tu te sens mal, pourquoi tu n’essaierais pas d’en manger pour aller mieux ? »

Et un jour où nous nous sentons triste, nous mangeons du chocolat ou de la glace et nous découvrons qu’effectivement, nous nous sentons un petit peu mieux.

C’est le même processus, mais nous avons changé ce qui le déclenche : nous n’avons plus besoin d’avoir faim pour manger, il nous suffit de nous sentir triste.

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Sauf qu’en amont de la tristesse, il n’y a pas un déficit de calories.

Vous voulez d’autres exemple ? Ok.

Il est probable qu'à un moment de notre vie nous avons été éloignés de nos parents et de nos amis. Si nous avons changé de ville, de Région ou de Pays pour travailler notamment.  

Alors nous nous sommes dit : « les réseaux sociaux, c’est quand même vachement chouette pour garder le contact. »

Nous nous y sommes donc connecté et ça nous a fait du bien d’avoir des nouvelles de celles et ceux qui nous manquaient. Et nous avons recommencé.

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Mais, 20 ans après notre déménagement, bon… nous sommes ravi-e-s de savoir que Céline, qui était notre copine en 5ème B, a l’air plutôt heureuse en famille, mais honnêtement, ça n’a pas de sens de le vérifier tous les jours.

Pourtant tous les jours nous sommes sur ces réseaux qui n’ont de sociaux que le nom.

Nous pourrions faire quelque chose de meilleur pour nous (lire ou faire du sport par exemple) mais nous faisons défiler les posts, les stories, les tweets ou les snaps.

Et comme le montrent les études, ça renforce notre mal-être.

Ce ne sont que des exemples. Peut-être qu’ils ne vous concernent pas.

Mais le mécanisme d’apprentissage basé sur la récompense qui est à l’œuvre, lui, nous concerne tous : c’est le même que celui qui a permis à votre ou vos mauvaise(s) habitude(s) de s’installer, qu’il s’agisse de fumer, de grignoter, de gratter vos plaques de psoriasis ou de passer des heures devant Netfix.

 

Alors, le mécanisme d’apprentissage basé sur la récompense : bénédiction ou malédiction ?

Et bien les deux. Car oui, avec le même mécanisme qui a permis, depuis la nuit des temps, à notre espèce de survivre en apprenant quels aliments étaient bons pour nous, nous sommes en train de nous saborder !

En effet, pour ne parler que des habitudes citées dans les deux exemples :

  • L’obésité, qui résulte dans la majorité des cas (pas tous) du fait de manger plus de calories que nous n’en avons besoin, nous ferait perdre 19 ans de vie en bonne santé, d’après une étude du Dr Steven Grover, médecin épidémiologiste de l'université McGill (Montréal) et son équipe ;

  • Utiliser les réseaux sociaux fait baisser notre capacité de concentration, a un impact négatif sur notre estime personnelle et sur notre confiance en nous et enfin augmente nos risques de traverser une dépression et notre sentiment d’isolement, d’après des études publiées dans le American Journal of Preventive Medicine.

 

Bon alors maintenant qu’est-ce qu’on fait ?

Résumons :

  • Vous avez déjà lutté contre vos mauvaises habitudes et jusqu’à présent ça n’a rien donné (sinon vous ne seriez pas en train de lire cet article) ;

  • Vous savez désormais que derrière la construction de vos mauvaises habitudes se trouve un mécanisme d’apprentissage basé sur la récompense.

Alors là, à ce stade, vous arrivez peut-être à une conclusion du style : ok, je comprends mieux pourquoi je n’y arrive pas, je ne peux pas lutter contre la façon dont mon cerveau fonctionne !

Et effectivement, ça parait compliqué.

Mais imaginez qu'au lieu d’essayer de lutter contre votre cerveau, vous vous contentiez d’être vraiment curieux de ce qui se passe dans votre corps :

  • Quand vous obtenez la fameuse « récompense » ?

  • Quand l’envie qui précède votre comportement se déclenche ?

Voici ce qui pourrait se passer.

 

Être pleinement conscient-e de la récompense obtenue

Nous allons vous parler de Judson Brewer.

Un type vraiment super. Il est neuroscientifique, psychiatre addictologue, responsable de la recherche au Center for Mindfulness de l’Université de Brown et formateur d’instructeurs MBSR (Mindfulness-based Stress Reduction ou Réduction du stress basée sur la méditation de pleine conscience).

Judson a mené une étude pour savoir si la méditation de pleine conscience pouvait aider les personnes à arrêter de fumer.

Elle impliquait des personnes qui, en moyenne, avaient déjà essayé d’arrêter 6 fois.

Judson les a formées à la méditation de pleine conscience pendant plusieurs semaines dans le but d’aiguiser :

  1. Leur capacité à diriger leur attention sur un objet donné (ce qui est loin d’être évident, ceux qui ont déjà essayé à l’aide d’une méditation guidée d’être attentif-ve au souffle le savent) ;

  2.   Leur curiosité.

Puis quand ils étaient prêts, il leur a dit de fumer en étant curieux et attentifs au goût, aux odeurs, aux sensations dans la bouche, dans les poumons et la gorge).

Et vous savez ce que la plupart ont remarqué ? Que cette expérience n’était pas agréable.

L’une des participantes a même dit quelque chose comme : « Fumer en pleine conscience, ça sent le fromage qui pue et ça a un goût de produits chimiques ! Beurk !").

Depuis des années cette personne savait, sur le plan intellectuel, que fumer était mauvais pour elle, c'est pour ça qu'elle participait à l’étude de Judson.

Mais en fumant en pleine conscience, elle a découvert qu’elle n’aimait ni le goût ni l’odeur de la cigarette.

Et cette étape, que l’on pourrait qualifier de « désenchantement », est essentielle.

Répétée plusieurs fois, elle a contribué à déconstruire chez cette personne la croyance selon laquelle elle aimait fumer.

Et bien sûr, cette approche est aussi pertinente pour la cigarette que pour la mauvaise habitude qui vous concerne vous, quelle qu’elle soit.

Vous pouvez par exemple vous demander :

  • Quelles sensations est-ce que je ressens après avoir mangé cette tablette de chocolat ? De la légèreté ou de la lourdeur ? De la satiété ou une forme d’écœurement ?

  •  Qu’est-ce que je ressens au niveau des yeux après avoir passé une heure sur mon smartphone ? Et dans mes épaules ? Des tensions ou de la détente ?

En amenant la pleine conscience sur votre expérience quand vous cédez à votre mauvaise habitude, vous passez du savoir (je sais que cette habitude est mauvaise pour moi) à la sagesse (je le sens viscéralement).

Vous avez alors fait un immense pas. Il en restera cependant un, tout aussi important : apprendre à gérer votre envie.

Car à ce stade, même si vous êtes « désenchanté-e » par rapport à la récompense, l’envie va continuer à venir vous titiller à chaque fois que le déclencheur se produira

Heureusement, là encore, la méditation de pleine conscience peut vous aider.

 

Être pleinement conscient-e de l’envie

Lorsque nous voulons cesser de manger des bonbons de façon compulsive, de passer des heures sur notre smartphone ou éviter de commencer une histoire d’amour avec le portrait craché de notre ex,  notre première approche est de tenter de nous contrôler.

Notre cortex préfrontal, qui est la partie du cerveau qui analyse et réfléchit, nous rappelle que notre habitude est mauvaise et nous intime de ne pas céder. Il nous dit :

  • Ne mange pas cette fraise tagada tu vas grossir !

  • Repose ce téléphone, tu es avec tes amis !

  • Ne reste pas si tard au bureau, ton/tes enfant(s) t’attend(ent) !

Et de temps en temps il ajoute, sur un ton péremptoire : « Quand on veut, on peut ! »

Ben voyons…

Au début, ça marche un peu.

Sauf que manque de bol, le cortex préfrontal est aussi la première partie du cerveau à être mise hors-jeu quand nous sommes stressés.

Donc à un moment… nous craquons !

L’approche que je vous propose n’est donc pas de vous contrôler.  

Elle repose, encore une fois, sur les capacités aiguisées par la méditation de pleine conscience : la capacité à diriger son attention et la curiosité.

Elle se compose de 4 étapes :

  1. Reconnaître

  2. Accepter

  3. Investiguer

  4. Noter

Vous avez remarqué ? Lues à la suite, les premières lettres de chaque verbe forment l’acronyme RAIN.

Avec ça, aucune excuse pour ne pas les retenir 😉

Voyons dans le détail en quoi consistent ces étapes.

 

1ère étape : Reconnaître

Dans cette étape il s’agit de reconnaître que l’envie / le désir de vous adonner à votre habitude est là.

Si cela vous aide, vous pouvez même verbaliser sa présence.

« Tiens, l’envie est là ! »

Cette étape est importante parce que sans elle, vous avez de fortes chances de faire « comme d’habitude », c’est-à-dire céder à votre envie en mode pilote automatique.

Et quand vous constaterez que le bol de cacahuètes ou votre bière est vide, à part une blague (« c’est bizarre, elle fuit cette bouteille ! ») vous ne pourrez plus faire grand-chose…

 

2ème étape : Accepter

Ah, l’acceptation… il y a beaucoup de confusion sur ce qu’elle est.

Evidemment, l’acceptation ici ce n’est pas se dire « bon, l’envie est là, je n’ai plus qu’à y céder ».

Accepter, c’est juste voir la réalité telle qu’elle est (« ok, je ressens cette envie dans mon corps ») et éviter le piège de vouloir agir pour que l’envie cesse le plus rapidement possible.

C’est en effet souvent notre premier réflexe, et on peut le comprendre parce qu’une envie, rarement agréable.

Sauf que pour faire cesser l’envie, de quelles options disposons-nous ?

  1. Y céder (« Ok, c’est la dernière cigarette », « Ok je prends encore un verre », « Ok faisons l’amour une dernière fois »)

  2. Ou alors compenser par autre chose (« J’ai envie d’une clope mais je tiendrai bon ! Je vais manger un Mars à la place … »)

Dans les deux cas, il s’agit d’une impasse…

 

3ème étape : Investiguer

A ce stade, vous allez vous mettre dans la peau de Sherlock Holmes pour examiner à la loupe quelles sensations physiques accompagnent votre envie.

Vous allez alors peut-être vous constater la présence de tensions, de contractions, de pincements, ou d’autres sensations encore.

Vous allez vous apercevoir que ces sensations vont et viennent, qu’elles gagnent puis perdent en intensité au bout d’un moment.

En procédant de la sorte à chaque fois, vous commencerez peu à peu à voir votre envie comme une simple somme de sensations physiques, et vous vous sentirez sans doute moins écrasé par elle.

Vous constaterez aussi sans doute qu’au bout d’un moment, l’envie passe….

Les fumeurs qui sont coincés dans un avion ont peut-être l’impression que leur tête va exploser à cause du manque de tabac, mais dans les faits, ça ne s’est jamais produit !

 

Dernière étape : Noter

La dernière étape est très simple : elle consiste juste à noter.

Nous allons écrire (ou noter mentalement) ce que nous avons ressenti pour le garder en mémoire.  

Si l’envie s’est traduite par de la tension, nous notons « tension ». Si elle s’est traduite par une salivation, nous notons « salivation ».

Et c’est tout ?

Oui, c’est tout ?

Vous êtes surpris-e ? C’est normal. Nous sommes toujours surpris par ce que nous ne connaissons pas.

Et l’approche que je vous propose ne ressemble pas à celles que vous avez utilisées jusqu’à présent.

En même temps c’est plutôt une bonne nouvelle, vu que les autres n’ont pas marché !

la folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent.
— Albert Einstein
 

Conclusion

Alors, pour lutter contre vos mauvaises habitudes, que pensez-vous de l’approche basée sur la pleine conscience ?

Les études de Judson Brewer ont en tout cas démontré qu’elle est deux fois plus efficace que les meilleures thérapies pour arrêter de fumer.

Or la cigarette est une de plus fortes addictions au monde (celles et ceux qui fument ou ont fumé savent de quoi je parle).

Cette approche nécessite bien sûr en premier lieu une forte motivation, et consiste en trois actions

  1. La première action, qui s’étale sur plusieurs semaines, consiste à aiguiser notre curiosité et notre capacité à être attentif à nos sensations, instant après instant. Pour la réussir, participer à un programme de méditation de pleine conscience tel que le MBSR est sans doute la meilleure option. Un instructeur pourra vous guider pas à pas, alors qu’avec un livre ou une application… bon, ce sera plus compliqué.

  2.  La deuxième action consiste à utiliser la capacité d’attention et la curiosité que vous aurez développées pour être pleinement conscient-e de la « récompense » à chaque fois que vous vous adonnez à votre habitude.

  3. La troisième action consiste à suivre les étapes du RAIN lorsque l’envie / le désir surgit.

 

a.      Reconnaître que l’envie / le désir est là

b.      Accepter sa présence : une envie est un évènement qui fait partie de votre expérience, c’est comme ça !

c.      Investiguer pour savoir ce que vous ressentez dans votre corps lorsque l’envie est là et identifier les petits bouts d’expériences sensorielles qui la composent

d.      Noter ce que vous avez perçu.

Les 3 actions peuvent être menées en parallèle, mais pour maximiser vos chances de résultats je vous conseille vivement de commencer par la première et d’y consacrer le temps nécessaire (ce n’est pas un hasard si le programme MBSR dure 8 semaines).

Les actions 2 et 3 auront un impact si et seulement si votre capacité à être attentifs à vos sensations et votre curiosité sont fortes.

Voilà, vous savez maintenant comment changer votre vie ;-).

Alors, êtes-vous prêt-e à en terminer une bonne fois pour toute avec cette foutue habitude ?